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La variolisation

Dès le Moyen Âge, on s'est aperçu que les personnes ayant survécus à la variole étaient définitivement immunisées contre le fléau. Le savant andalou Averroès y fait allusion et des praticiens ont l'idée d'inoculer la maladie à leurs patients, avec un maximum de précautions, afin de les protéger contre les fréquentes épidémies.

 

A la fin du du 18e siècle, la variole était redoutée, car un tiers de ceux qui contractaient la maladie en mouraient et ceux qui survivaient étaient généralement défigurés. Voltaire , quelques années plus tard, rapportait que 60% des personnes contractaient la variole, et que 20% de la population en mourait. On disait à l'époque ; une variole bénigne pour éviter une variole grave. Mais la seule protection préventive possible n'est pas sans danger et elle nécessite que le patient soit très soigneusement isolé afin qu'il ne provoque pas lui-même une épidémie. Elle est limitée pour cela aux milieux aristocratiques et bourgeois.

Le procédé d’inoculation de pus variolique était pratiqué depuis longtemps en :

  • Chine

  • Perse

  • Inde

 

Mais en Europe, un nom s’attache à la diffusion de ce procédé, celui de Lady Worthley-Montague, femme de l’Ambassadeur d’Angleterre à Constantinople (Turquie) . Lady Mary découvrit lors de ce séjour la technique ottomane de l'inoculation contre la variole, Elle accepta de faire inoculer son fils — plus tard, lorsqu'elle revint à Londres, elle demanda le même traitement pour sa fille. Lady Mary joua ainsi un rôle important dans la lutte contre la variole et le développement de la vaccine

Suite à cela la variolisation eut un tel succès en Angleterre que l’on ouvrit un hôpital spécialisé dans l’inoculation ; sur 1800 variolisés, il n’y a eut que 6 décès.

 

Cette méthode état très en vogue :

  • en Géorgie

  • en Circassie

  • en  Espagne et au Danemark en 1673

  • dans le duché de Clèves (une partie de l'Allemagne d'aujourd'hui) en 1712

 

En France, la variolisation a été formellement interdite. Cependant, Louis XVI entreprit de faire inoculer toute sa famille et Fourcroy (député du département de Paris) et Pelletier (scientifique de l'époque) imposaient la variolisation à tous les boursiers du Prytanée (école nationale militaire).

La variolisation fut rapidement arrêtée par la vaccination, grâce à la découverte de Jenner en 1796.

  Procédure d'inoculation du virus par le nez en Chine

 
Le vaccin de Jenner

En 1796, Édouard Jenner, médecin de campagne passionné par la recherche, s'est aperçu que plusieurs de ses patients étaient insensibles à l'inoculation du virus. Après enquête, il a découvert qu'il s'agissait de valets de ferme en contact avec les vaches.

Il a pu faire le rapprochement avec la vaccine ou variole des vaches (en anglais, «cow-pox»). Cette maladie bénigne est courante chez les valets qui traient les vaches et entrent en contact avec les pustules des pis. Elle a pour effet de les immuniser contre la véritable variole, le plus souvent mortelle.

Édouard Jenner a l'idée d'inoculer par scarification non plus du pus de la variole mais du pus de la vaccine, beaucoup plus bénin et tout aussi efficace. Le 14 mai 1796, il prélève donc du pus sur la main d'une femme, Sarah Nelmes, qui a été infectée par sa vache atteinte de la vaccine, et l'inocule à un enfant de 8 ans, James Phipps.

James Phipps contracte la dite maladie sous la forme d'une unique pustule et en guérit très vite.

Trois mois plus tard, indifférent au «principe de précaution», le médecin lui inocule la véritable variole. À son grand soulagement, la maladie n'a aucun effet sur l'enfant. C'est la preuve que la vaccine l'a immunisée contre la variole en entraînant la formation d'anticorps propres à lutter contre l'infection.

La vaccination jennérienne était administrée à l’aide d’un vaccinostyle ou d’une aiguille bifurquée. Elle a permis l’éradication de la variole. Cette vaccination comportait le risque de très rares complications neurologiques: encéphalite survenant de deux à vingt et un jours après la vaccination, et surtout une semaine après celle-ci. L’encéphalite est l’inflammation de l’encéphale, partie du cerveau logée dans la boîte crânienne. Le plus souvent, elle est provoquée par des virus ou des bactéries. L’encéphalite peut causer des lésions irréversibles importantes au niveau du système nerveux central.

Ainsi, la vaccination jennerienne a connu un immense succès, les premiers pays à la rendre obligatoire furent :

  • La Norvège en 1810

  • La Suède en 1815

  • L' Angleterre en 1867

  • Le Danemark en 1871

  • L' Allemagne en 1874

  • La Serbie en 1879

 

En France, il faudra attendre la loi de 1902 pour que la vaccination jennerienne devienne obligatoire.

Représentation faite par Jenner d'une main contaminée par la vaccine

Jenner vaccinant des enfants 

Eradication totale

L’Organisation Mondiale de la Santé avait décidé en 1958 de lancer un programme mondial visant à éradiquer la variole en quelques années. Les scientifiques estimaient que la vaccination de 80% des populations concernées serait suffisante pour venir à bout de la maladie et que cela était réalisable. Cependant la mise en place de cette stratégie d'éradication fût difficile et surtout elle ne rencontra pas le succès escompté.

Voici tout d'abord un extrait du rapport final d'éradication de la variole de l'OMS (de 1980):

 

«Les campagnes d'éradication reposant entièrement ou essentiellement sur la vaccination de masse furent couronnées de succès dans quelques pays mais échouèrent dans la plupart des cas. [...] ...il fallait absolument changer de stratégie.»

Le 28 novembre 1972, le Dr Donald A. Henderson, chef du Service d’éradication de la variole à l’OMS déclara que « même dans la population vaccinée à 90%, on pouvait assister à des flambées épidémiques ». Il constata qu’avec ce type d’approche, on ne parvenait pas à faire complètement échec à la transmission.

Il fut alors décidé d’abandonner la vaccination de masse au profit d’une stratégie dite de « surveillance-endiguement », c’est-à-dire procéder à l’isolement des malades et à leur traitement individuel.

C'est alors qu'en quelques années, grâce à ces deux seules pratiques d’hygiène élémentaire, la chaîne des transmissions du virus a été interrompue et la maladie a disparu. Ces deux mesures ont réussis là où la vaccination avait échoué.

 

L’obligation de la vaccination antivariolique a été supprimée :

  • en Grande-Bretagne et aux États-Unis en 1971

  • aux Pays-Bas en 1975

  • en Suède et au Danemark en 1976

  • en Italie en juillet 1977

     

Le denier cas de variole a été signalé en octobre 1977 par l’O.M.S. à Merqua en Somalie

L’OMS proclama officiellement l’éradication de la maladie le 8 mai 1980 à Genève en présence des représentants de tous les Etats du monde. La variole devient ainsi la première maladie éradiquée de la surface de la terre 

En France la vaccination fut supprimée en 1984. Mais cette vaccination pourrait être rétablie devant un contexte de risque bioterroriste de variole.

En 1980, les trois anciens directeurs du Programme d'éradication globale de la variole lisent le texte annonçant officiellement le succès de cette entreprise.

La variole aujourd'hui

Bien que la variole ne circule plus dans la population humaine, certains laboratoires médicaux ont conservé des souches du virus de la variole.

Suite à un cas de mort dû à la maladie en 1978, Il fut décidé que toutes les souches conservée de ce virus seraient détruites ou transférées à l'un des deux laboratoires habilités par l'OMS, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) aux États-Unis et le Centre national de recherche en virologie et biotechnologie (Vector) de Koltsovo, en Russie. En 1986, l'OMS recommanda finalement la destruction totale de tous les stocks de ces virus pour la date du 30 décembre 1993. Mais après un premier ajournement au 30 juin 1995, puis comme « dernier délai fixé par l'OMS » au 30 juin 1999, cette décision fut reportée puis annulée en 2002.

En effet, même si la destruction totale des stocks diminue le risque d'un accident menant à une nouvelle éruption de la maladie, certains acteurs ont pensé que ces virus pourraient se révéler utiles pour la recherche biomédicale comme pour le développement de nouveaux vaccins, de médicaments antiviraux.

En mars 2004, des échantillons de virus variolique furent découverts à Santa Fe (aux Etats-Unis) dans une enveloppe insérée entre les pages d'un livre de médecine datant de la guerre de Sécession. Ces échantillons ont fait l'objet d'analyses par le CDC pour comprendre l'histoire de la variole au cours des siècles.

Récemment, et en particulier à la suite des attaques aux bacilles du charbon aux Etats-Unis en 2001, certaines institutions ont mis en avant l'usage possible de la variole en tant qu'arme biologique.

La probabilité d'une action bioterroriste utilisant le virus de la variole est toutefois qualifiée de mineure par le professeur François Bricaire. En 1999, un comité de l'OMS annonce que les réserves de vaccins disponibles sont trop limitées et qu'il faut relancer la production de vaccins. Un sondage de l'OMS de 1998 évaluait le nombre de doses disponibles au niveau mondial à 90 millions. Dès lors, les États-Unis, la France et d'autres pays ont relancé la production de vaccin contre la variole, en particulier après les attentats du 11 septembre 2001 et les attaques aux bacilles du charbon .

En France, le plan national de réponse à une menace de variole, institué par le décret no 2003-313 du 3 avril 2003, prévoit diverses mesures à prendre en cas d'attaque bioterroriste. Ces mesures sont centrées sur un dispositif de vaccination de l'ensemble de la population en 14 jours au sein d'unités de vaccination de base (UVB) réparties sur le territoire. Un stock de vaccins est d'ores et déjà constitué.

Ainsi, pour faire face à une éventuelle attaque terroriste, la recherche de moyens thérapeutiques continue. La mise au point d'un nouveau vaccin est la principale voie empruntée. Les antiviraux font également l'objet de recherche. Un laboratoire a récemment redécouvert une plante carnivore, la Sarracenia purpurea Linné/oreille de cochon, ayant une activité anti-orthopoxvirus.

En novembre 2012, le virus a été détecté dans le corps gelé d'une femme morte dans les années 1730, en Sibérie. L'intérêt pour la recherche est notamment de montrer la rapide évolution du virus.

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